Compagnie Hna-Ya. Dans le vent
Saïd bouillonne d’une énergie brûlante. Manon semble toute douce mais vibre de sensibilité contenue. Ils sont si différents qu’ils réunissent tous les ingrédients pour une belle rencontre. Elle a étudié la danse au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, dont elle est sortie diplômée en 2016. Lui a appris le hip hop dans les quartiers populaires de Kenitra au Maroc, puis le classique avec le Jeune Ballet national marocain. A partir de 2016 Il rejoint la Chergui Dance Company. Il travaille alors avec Pascal Touzeau sur la pièce Carmina Burana où il explore les qualités de mouvements développées par William Forsythe. Manon également. C’est ainsi qu’ils ont commencé à danser ensemble, qu’ils ont « trouvé matière à dialoguer, engagé une conversation des corps », comme le dit Manon.
Leur duo, Dans le vent, est né à Kenitra d’une recherche et d’une réflexion autour des écrans, des images, des médias. Cinq lampes pendant du plafond, des abats-jour enveloppés de papier journal. La lumière blanche, bleutée, des écrans, dure, glaciale. Les deux corps se positionnent sous la lumière, s’en extraient, aspiration, impact. « L’incompréhension face à nos situations », dit-elle. « Comment trouver des connections avec le monde ? Comment et où prendre appui ?
Ensemble ils mènent des enquêtes de terrain dans les quartiers populaires de Casablanca et des ateliers pédagogiques avec les jeunes autour de la mémoire du mouvement, dans le cadre du projet du Musée Collectif de Casablanca développé par l’Atelier de l’Observatoire. Said poursuit ainsi sa recherche artistique en lien direct avec la société marocaine : « en Europe il y a des opportunités pour les jeunes, ils lisent, ils voyagent, ici quand tu es jeune tu fais quoi ? Les gens ont besoin d’imaginer, de rêver, de penser, juste pour vivre ». Il veut amener la danse contemporaine dans les quartiers populaires, et « interpréter la vérité qui vient de moi, ce que je sens à l’intérieur, donner une présence vraie ».
Le 11 janvier 2019, un extrait de Dans le Vent a été présenté pour la première fois à un « vrai public » aux Plateformes chorégraphiques à Paris. « C’était à la fois informel et sérieux, cela nous a donné un nouvel élan », raconte Manon. « On a réalisé à quel point les lampes étaient un élément central de la pièce et qu’il fallait prendre le temps avec ça pour affermir la matière qui constitue chacun de nous. Jean Gaudin nous a chamboulés en nous demandant : “Quel est votre dedans ”. Il nous a posé beaucoup de questions sur ce qu’on voulait dire, qui on était. Cela nous a fait réfléchir. Ensuite, nous avons retravaillé le jeu avec les lumières en approfondissant les mouvements, dans et hors des halos ». Dans le vent a été présenté le 25 avril à Tanger pour le festival Hevaka, puis en juin lors d’une résidence à Auxerre.
Ingrid Bizaguet
ingrid@mouvementcontemporain.com