Laetitia Arnaud. Extinction des feux
Extinction des feux parle de la maladie d’Alzeimer, de la mémoire qui s’envole, de la désagrégation progressive et irréversible des cerveaux et des corps, et de la vitalité merveilleuse de l’être à part entière qu’était la personne avant d’être atteinte par la maladie.
Laetitia Arnaud est partie d’une expérience personnelle, celle d’un proche. Elle a conçu ce spectacle comme une narration de la maladie. Choisi de mettre en scène quatre danseurs, « qui incarnent les cellules d’une personne atteinte ». La pièce part de la naissance pour aller vers la dégénérescence. Au départ les danseurs sont déconnectés puis ils se retrouvent en un assemblage parfait, l’individu construit. Ils dansent la pleine existence et les transformations que subissent le corps et l’esprit, » explique-t-elle. « Comment la personne atteinte de ce mal perçoit-elle notre réalité ? Le mouvement, la défragmentation, racontent le combat des neurones. La résignation, la véhémence, l’abandon, puis le doux retour à la conscience du passé lointain, les souvenirs d’enfance qui ressurgissent tandis que tout le reste s’efface. »
Originaire de la Guadeloupe, Laetitia Arnaud a plusieurs fois traversé l’Atlantique avant de se fixer à Paris. Formée au modern jazz, époustouflée par la danse contemporaine (la révélation d’un spectacle de Brumachon au théâtre de Pointe-à-Pitre l’a entraînée à Grenoble sur les traces de Gallota), elle a fondé sa compagnie et créé Extinction des feux en 2017 au cours de plusieurs résidences, notamment à l’Espace Beaujon et à la Bergerie de Soffin, dirigée par Alfred Alerte.
Le 11 janvier 2019, elle présentait un extrait d’Extinction des feux aux Plateformes chorégraphiques. L’occasion d’approfondir le travail et d’écouter les « regards » des chorégraphes associés aux Plateformes, notamment celui de Jean Gaudin. « Il ne nous a pas vraiment fait de commentaires sur le spectacle. Il m’a posé des questions : “quel était l’état des interprètes pendant la pièce ? L’état d’esprit ? L’état des corps ?” Ses remarques très pertinentes m’ont beaucoup aidée. Il s’est concentré sur le registre de la direction d’acteur davantage que sur le mouvement en tant que tel, il s’est intéressé à l’incarnation des danseurs, et m’a expliqué comment leur donner des outils, des intentions pour approfondir le mouvement. »
Après cette présentation sur scène, la compagnie est repartie en résidence à Via Danse, à Berfort, « en immersion totale ». Un temps calme et intense pour travailler : « Là j’ai pris du recul pour penser, peser mes mots, donner des pistes, être claire dans mes demandes. Avant ce travail, les danseurs n’étaient pas vraiment imprégnés du propos. Là j’ai commencé à les faire entrer vraiment dans le vif du sujet. La danse, ça n’est pas que des temps à marquer, des 5, 6, 7 et 8, pirouette cacahouète !… Ce n’est pas que “la choré de Laetitia », c’est d’abord et avant tout ce qu’ils vont transpirer en dansant. »
Ingrid Bizaguet
ingrid@mouvementcontemporain.com