Yodel - Emma Terno, en collaboration avec Chiara Taviani
De longues jambes qui se déploient comme celles d’un animal. Une crinière blonde rabattue sur les yeux. Un corps ancré au sol qui se relève soudain et révèle son short, ses chaussettes et son allure de scout. Emma Terno a intitulé son solo Yodel, un mot qui désigne une technique de chant permettant de passer rapidement d’une voix de poitrine (de corps) à une voix de tête (falsetto). C’est une voix du peuple, de berger, qui présente des ressemblances avec des chants sacrés. On l’appelle aussi tyrolienne. Et sur scène, la scout part en effet à l’assaut d’une montagne : « Marcher les jambes lourdes et les genoux égratignés en cherchant une réponse idyllique d’un Dieu évanescent », explique le synopsis. « La scoute va se confronter seule aux aléas de la nature et à elle-même », renchérit Emma Terno. « Je n’ai jamais été scout mais cela m’aurait beaucoup plu. Le fait de se rassembler, sans jugement, dans la bienveillance, partir à la montagne, se déconnecter des chimères… »
Sur scène, elle enfile lentement ses chaussures de marche sur ses chaussettes à mi-mollet, marque des temps d’immobilité, avancer ? oui ? non ? continuer ? oui ? non ? OUI !!!
Emma est danseuse, interprète, chorégraphe. Elle est originaire de Monaco où elle a étudié la danse à l’Académie Princesse Grace de Monaco, puis s’est formée en ballet, contemporain et hip hop en Suisse, au Melinda Dance Center où elle enseigne. Elle a poursuivi ses études avec un cursus en Arts Visuel à l’ECAL (Lausanne) et à la HKB (Berne). De Monaco, elle aime ce climat où la luminosité est reine, mais le « caillou » reste pour elle une cage dorée tant la danse contemporaine ne fait pas partie de ce monde rutilant. De la Suisse elle aime les montagnes et l’influence germanique : « J’étais bien là-bas, dit-elle. L’enseignement est très structuré et les étudiants très valorisés, j’y ai rencontré beaucoup d’entraide. »
Aujourd’hui, elle compose également de la musique électro-acoustique et s’intéresse à la vidéo, mais surtout, surtout, elle veut danser !
Comment incarner le Yodel ? « C’est au départ une chimère qui se métamorphose en quelque chose d’humain, qui se redresse et s’engage dans une grimpée montagnarde vouée à révéler des choix décisifs et une personnalité inconnue ». Emma a travaillé ce spectacle avec Chiara Taviani, complice italienne de danse et de chorégraphie rencontrée à Monaco.
En avril 2018, Yodel a été présenté au festival de Livourne en Italie. En janvier 2019, les Plateformes lui ont permis de monter à Paris, « de semer des graines, de tracer des pistes. C’est aussi une valorisation de mon travail car quand l’on sort d’un parcours atypique comme le mien c’est plus difficile… » Lors de la soirée du 11 janvier, elle a beaucoup discuté avec Jean Gaudin et Annette Jeannot. « Jean m’a notamment incité à travailler encore la scène où je reste immobile, la chaussure à la main. Il m’a dit qu’on voyait encore trop l’intention du mouvement dans l’immobilité. C’est un moment essentiel de la pièce. » Depuis, elle a continué à travailler. -
Ingrid Bizaguet
ingrid@mouvementcontemporain.com